13 février 2021  à 17 heures
Erdal KAYNAR   /

Paris, capitale ottomane
du XIXe siècle

Erdal Kaynar est maître de conférences à la Faculté des Sciences historiques de l’Université de Strasbourg.

Pendant des siècles, les Ottomans ne nourrissaient que peu d’intérêt pour les villes européennes, y compris pour Paris. Des émissaires n’étaient envoyés que rarement et n’était pas censé séjourner longtemps pour leur éviter de trop souffrir dans ces pays étranges. Des voyageurs revenaient avec des histoires de curiosité de cette capitale des infidèles que fut Paris. Les choses allaient changer au XIXe siècle. Les réorientations que l’Empire ottoman prenait au cours de ce dernier siècle de son existence transformaient l’image de l’Europe et de la ville identifiée comme la ville européenne par excellence. L’enchantement donnait place à l’admiration, et pour les Ottomans Paris commençait à incarner l’Europe de la « civilisation », mot-clé du langage socio-politique de l’époque. Désormais, Paris était une référence fixe de la culture ottomane. Un nombre croissant des Ottomans s’y rendaient pour étudier, voyager, travailler ou s’exiler et vivaient Paris à l’ottomane. Mais la référence à Paris ne dépendait pas du déplacement géographique. Le Paris imaginé, tantôt vu comme ville de sciences, de littérature, de progrès ou de révolution, était le signe inévitable pour des générations entières qui exprimaient à travers cette ville un désir d’épanouissement personnel et une aspiration au changement de leur pays. Ainsi, Paris ressortait comme une ville ottomane et devenait capitale du XIXe siècle par les pensées, les rêves et les déceptions qu’y attachaient les Ottomans.

Image : Aquarelle de Joseph Antoine Bouvard, 1902
Bibliothèque de l’Université d’Istanbul, no. 90594